Gabriel Fauré (1845-1924) est aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands compositeurs français. En préambule aux lignes qui suivent, il serait bon de mettre l'accent sur le côté précurseur du langage fauréen. Nul ne peut nier l'influence du compositeur sur la pensée musicale de la première moitié du XXe siècle. Influence non rythmique, mais modale que l'on retrouve dans l'œuvre de Ravel, Koechlin, Enesco, Roger-Ducasse, Schmitt, et même dans le Stravinsky de L'Oiseau de feu et de Petrouchka.
Dolly, que nous présentons ici, est une suite de six morceaux, de six miniatures devrait-on dire, écrite pour piano à quatre mains entre 1893 et 1896 pour Dolly, la fille d'Emma Bardac (qui allait devenir Madame Debussy).
Admirons la douceur de la Berceuse, douceur soulignée par la touche délicatement obstinée du rythme de l'accompagnement. Et soulignons le coté primesautier, juvénile, de Mi-a-ou, dans lequel il nous semble retrouver le chat de la maison et où se mêlent la grâce féline et l'esprit capricieux et malicieux de l'enfant et du jeune animal. Et soyons émus par le caractère élégiaque du Jardin de Dolly, jardin merveilleux fait de rêves et de confidences dans lequel la mélodie semble se dérouler avec simplicité. Kitty-valse nous entraîne dans un tournoiement aérien et nous fait songer aux Valses-caprices du même compositeur. Tendresse paraît être le plus riche de substance musicale pure. C'est du très grand Fauré ! Enfin, Le Pas espagnol nous entraîne dans un décor typiquement ibérique où se côtoient, en une carrure quasiment absolue que viennent marteler les accents du rythme, des fragments de phrases scandées, tantôt lyriques, tantôt passionnées.
Le Quatuor avec piano n°1 fut écrit en 1879. Le premier mouvement, Allegro molto moderato, débute par un thème passionné, exposé à l'unisson des cordes dont l'acuité est accentuée par l'intervention chromatique du piano à la huitième mesure. Le deuxième mouvement est un Scherzo. Les scherzos de Fauré sont uniques par leur substance rythmique et mélodique. Ce merveilleux musicien possède la grâce de nous faire mieux comprendre la signification du terme « scherzo », forme dans laquelle légèreté, sensibilité primesautière et subtilité doivent être parfaitement confondues. L'Adagio est un mouvement dont le caractère élégiaque, profond, teinté tout à la fois de désespoir et d'espérance, nous fait pénétrer plus encore dans le royaume sensible de l'âme fauréenne. Enfin, dans le dernier mouvement, Allegro molto, on trouve une merveilleuse architecture au service de non moins merveilleux matériaux sonores et musicaux.
Ce final est un des meilleurs qu'ait écrits Fauré. Il est formé de trois éléments : l'un rythmique, l'autre mélodique, et le troisième plus bref qui vient s'insérer entre les deux premiers (mesure39) et dont l'auteur se servira pour accentuer et contraster les interventions expressives du piano. Dans ce dernier mouvement aux thèmes virils, passionnés, ainsi que dans tous les autres, Gabriel Fauré réussit de main de maître la fusion difficile des cordes et du piano.
D'après Louis Martini
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